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gros film
08/07/2008 22:13
Je ne sais plus très bien. Je ne sais plus si je fixe l’écran de l’ordi, si j’écoute la radio, je ne sais plus si je mange ou pas, si ça va encore finir dans la cuvette des chiottes. Je ne sais plus très bien. Est-ce qu’il n’y a que les films pour que l’un appelle sur un coup tête et dise à l’autre qu’il voudrait pouvoir débarquer et juste lui parler, oui, juste lui parler, ou non, peut-être pas, mais juste le voir parce qu’il a bêtement besoin de le voir maintenant, de lui parler maintenant, ou pas. Comme maintenant par exemple, j’ai envie de t’appeler et de te dire que je voudrais être avec toi, pour te parler. Ou pas mais juste pour être ensemble avec toi. Je ne sais plus vraiment ce que dis la radio, ce que je mange, ce que je bois, mon petit doigts me le dira… Mais je sais qu’au final, il ne va rien se passer, le téléphone va rester à sa place, et moi aussi. Je vais rester toute seule à bouffer n’importe et regarder n’importe quoi, puisque de toutes façons plus rien de pourra m’inspirer de qualificatif : bon, mauvais, froid, chaud, sucré, salé, acide,… Plus rien, tu peux comprendre ça ? Il n’y a que moi que je ressens là maintenant, moi et tout ce que tu l’habites, comme un gros ballon trop gros et trop vide qui m’écœure sans me nourrir. Oui je voudrais te vomir mais il n’y a que de l’air, et je n’ai plus de souffle alors je m’étrangle. Voilà tu es content je m’étrangle toute seule devant mon téléphone avec tout ce qui me reste de larmes pour couper ma vodka. Je ne sais pas. Je devrais vu qu’en ce moment la seule chose qui occupe ma bouche mes yeux et ma tête c’est toi. Toi que je voudrais avoir le courage d’appeler comme ils font dans les films, et de parler comme eux, avec des mots choisis, succins, beaux, éloquents. Or je sais bien que si je t’appelle je vais commencer à débiter des conneries avec la cadence d’un vendeur de criée. Alors peut-être que ça vaut mieux. Oui il vaut mieux que je ne t’appelle pas. Et puis tu ne décroches jamais alors,… tu n’aimes pas ça. Tu n’aimes pas répondre parce-que lorsque ton téléphone sonne tu te sens obligé de répondre. Or tu as horreur de te sentir obligé, encore faut-il que tu comprennes que décrocher lorsqu’on t’appelle n’est pas un signe de faiblesse. Mais je comprends que tu n’aimes pas parler au téléphone : moi non plus. On ne trouve jamais les bons mots, on essaie de se rattraper, ça n’est jamais ce que l’on voulait dire, puis le son est mauvais, les yeux passent mal et au final on n’entend rien. Rien ne passe comme prévu de toutes manières, n’est-ce pas. Ça n’était pas prévu comme ça du tout, je n’avais pas prévu que tu me manques. Manque, comme une rengaine de toxico, ça me démange de l’intérieur. Petite je faisais de l’exéma, des plaques rouges sur les bras, les mains. Je n’avais pas pensé qu’on puisse contracter de l’exéma à l’intérieur…
C’est drôle, en anglais, manque c’est lack, pas très éloigné de lake… voilà comme je me sens, comme un lac : une dépression plus ou moins aigue, une cavité avec de l’eau dedans, de l’eau en attente, qui stagne, de l’eau croupie.
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ce n'est pas de l'alcool
06/06/2008 15:51
Le derme de l’asphalte transpire, couvrant le pavé noir d’un vernis gris perlé Ce bitume qu’on épuise à trop courir les rues En se brûlant les jambes élimant le désir d’aller toujours plus loin. Les lampadaires pissent une lumière blafarde qui s’immisce avec peine dans l’aine d’un trottoir Et se coule finalement dans une bouche de dégoût, pour serpenter sous terre Et y trouver peut-être une boule à facette pour inonder de feu la piste du dancefloor Les automobiles passent, en poignardant la nuit de leurs phares incisifs Criblant le calme nocturne de râles vrombissants ou de nuisances plus sourdes aux rythmes abrutissants Il y a un vent qui coure et doucement nous enivre de son souffle insidieux qui nous saoule de son air D’une atmosphère chargée de vapeurs olfactives, de parfums capiteux, d’alcool et de sueurs
Et sur l’asphalte les silhouettes tanguent et crient en cœur à l’abordage Et le mousse au demi moitié vide met le filet sur une blonde déjà ivre Le temps est venu d’accoster… ça hèle ça brame Hurle à la lune comme une horde de loups, Prédateurs souffreteux dansant sur leurs pattes folles Se faufilant dans le sillage du gloussement de quelques poufiasses Qui se dandinent et cancanent en cadence sur une scansion d’talons aiguilles On dirait qu’elles font des claquettes clip clope Dans un nuage de tabac des lèvres épaisses et rouge signalent Un point d’incandescence Et pas besoin de projecteurs pour ces starlettes déjà fardées Ce halo de strass et d’paillettes, comme un feu d’artifices
Dans les rues des pantins, marionnettes bariolées, s’agitent frénétiques sur des airs endiablés Et désarticulés, ils s’empêtrent malgré eux dans leur fil d’automates Et s’effondre par terre, comme des arbres qu’on abat Près de ses gueules de bois partis au bois dormant On trouve des lambeaux de poupées de chiffons Froissées comme des torchons sur des cartons humides Poupées grises et barbues et leurs peluches osseuses Des carcasses qui beuglent, boivent et pissent, Mais mangent plus beaucoup que les miettes maladroites des gens trop pressés Regardent tantôt passer les tristes gueules cassées des blanches porcelaines Ces poupées trop fragiles passées dans trop de mains Qui recollent les fragments de leurs chairs dispersées, de leurs corps perdus à force d’abandon
Et quel triste théâtre que celui de la rue Où l’on vient oublier nos absurdes existences Dans un ami, un verre ou un fond de bouteille En feignant de trop vivre à grands coups de fiesta Dans cette comédie où l’on tombe le masque Nos masques blancs d’acteurs, de fourbes, d’hypocrites Qu’on voudrait être ceux de quelques héros tragique Puisqu’on n’est plus personne dans cette farandole Qu’un pauvre moi bien seul Qui veut juste oublier et se met à valser au beau milieu d’une place En barbouillant un mur pensant laisser sa trace Comme une apocalypse, un soir sans demain Où on se fout des autres et de la bien pensance Où les yeux deviennent flous, les contours imprécis Où les souvenirs s’envolent comme les bris de verre Si l’on on panse nos plaies de compresses éthyliques, Ce n’est pas de l’alcool… c’est du désinfectant !
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Bonne lecture
06/06/2008 15:43
Ce soir je veux écrire ces mots que j’n’ai pas dits
Que je r’tourne dans ma tête comme des steacks mal saisis
Et que je vomis seule plantée face au miroir
Ces paroles évidées auxquelles j’n’ai jamais cru
Ces mots bien trop épais qu’on découpe au hachoir
Et qu’on jette en pitance au hasard des rues en fins lambeaux d’espoir
Ces mots que mon stylo se trouve encore la force de faire couler
Sur ces surfaces trop blanches que je veux faire saigner,
Car moi je suis anhydre
Moi qui n’ai plus de salive pour t’cracher au visage
Et qui manque de larmes pour tremper l’oreiller
Ce soir je veux écrire ces mots trop compliqués
Passés dans trop de bouche, pétris par trop de langue
Et qui sont sans saveur posés sur mes lèvres qui n’osent pas les goûter
Que j’épelle à l’envers pour en perdre le sens
Ces mots qui me dégoûtent, ceux qu’on désarticule jusqu’à l’écartèlement
Ces mots aux membres épars aux lettres éclatées
qui ne veulent plus rien dire
Et gardent le silence, recluses dans leur mutisme
en serrant ce bâillon qui me somme de taire ces poèmes étranglés
Que je connais par cœur puisqu’ils étaient pour toi
Que je les murmurais dans le creux d’un mouchoir
c’est moi cette cavité misérable et flétrie
Ballotté par le vent dans une main maladroite
Un mouchoir triste et sale qui veut juste éponger une de tes caresses
Sentir sur son tissu une chair douce et moite
S’en gonfler un instant pour respirer encore
Le temps d’une bouffée d’air reprendre enfin mon souffle
Car j’ai le souffle court... un souffle au cœur !connard!
Oui je veux respirer mais il y a ton odeur qui me colle à la peau
Et je bouffe mes peaux mortes qui tombent doucement
Comme on se ronge les ongles quand ils deviennent trop longs
Pour limer cette angoisse qui croit à l’intérieur et racle mes entrailles
Comme on creuse un caveau, où tu pourras jeter ma carcasse encore tiède
Puisque je crève déjà de trop t’imaginer
Comme toutes ces histoires qui alors qu’elles commencent ont déjà une fin,
Une faim qui tord le ventre, qui écoeure et affame
Point d’oreille au ventre affamé
et je n’veux rien entendre de tous tes silences
Qui pétrissent mes viscères et assèchent mes yeux
Mes yeux trop grands ouverts qui traquent tes regards
et dès qu'ils en tiennent un
se referment alors pour garder ce souvenir au fond de leur rétine
Et j’avance en aveugle avec pour seule béquille tes sourires esquissés
Je vais m’casser la gueule mais c’est ce qui arrive quand on est estropié, quand on est amputé
Il me manque un organe dont tu m’auras privé sans aucune permission
Que j’irai t’arracher à coup de mots blessants
de palabres tranchant comme des lames de rasoirs
Si c’est ça qu’il me reste,
tous ces mots ces non dits qui croupissent dans ma tête
Ces poignards aiguisés que j’affûte avec soin sur mes pierres d’amertume
Que je lancerai de loin craignant le cœur à corps
Mon cœur je le garde, ce moignon de caillasse
Quand il faudra t’achever et t’exploser la tête d’un jet bien maîtrisé
Pour repeindre les murs de ma chambre ternie par toutes ces cartes postales que tu n’as pas écrites
Que j’ai inventées seule pour nous faire voyager, et que pour toi j’existe
Ce soir je veux écrire tous ces mots qui macèrent sur ma langue pétrifiée
Alors….Bonne lecture mon amour
Puisque je suis aphone et toi complètement sourd
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la rue de la soif
21/12/2007 05:08
Comme un air de fête
Les silhouettes tanguent
Hurlent à la lune comme une horde de loups.
Prédateurs souffreteux dansant sur leurs pattes folles
La rue de la soif
Ca ne s’invente pas
Les ombres courent, tombent, chancelles
Les lèvres crient, rient, boivent, les gorges déglutissent
Tout s’enflamme, gerbes de lumière, les visages aveugles dégueulent
Comme un air de fête
Dans les rues des pantins, marionnettes bariolées,
Et puis…. des poupées de chiffons sur des cartons humides
Poupées grises et barbues sur les peluches osseuses
Des carcasses qui gueulent, boivent et pissent,
Mais mangent plus beaucoup
Et quel triste théâtre que celui de la rue
Où l’on vient oublier nos absurdes existences
Dans un ami, un verre ou un fond de bouteille
Comme un air de fête Où on tombe le masque
Nos masques blancs d’acteurs, de fourbes, d’hypocrites
Puisqu’on n’est plus personne dans cette farandole
Qu’un pauvre moi bien seul
Qui veut juste oublier et se met à valser au beau milieu d’une place
En barbouillant un mur pensant laisser sa trace
Comme un air de fête
Où les yeux deviennent flous, les contours imprécis
Comme un air de fête, un soir sans demain
Où on se fout des autres et de la bien pensence
La rue de la soif, Ça ne s’invente pas
Quand les sans abris crèvent dans le creux des trottoirs
Les étudiants vomissent appuyés à un mur
Et de l’autre côté des façades pissotières
De jeunes gens copulent contre une porte de chiotte
Des quarantenaires gris regrettent leur divorce et pensent à leurs enfants
Et tout autour s’échappe, avalé par les heures qu’on ne voit plus passer
Parce-que c’est ça qu’on veut, tromper le temps, les autres
Se mentir à soi même
La rue d’la soif, ça n’s’invente pas
Quand on est triste et seul, Au cœur déshydraté
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Comment se dire qu'on s'aigne
21/12/2007 05:05
C’est l’histoire du petit chaperon rouge qui flashe sur le grand méchant loup. C’est une histoire un peu bizarre, de personnages qui n’ont rien à voir, d’un paysage un peu flou.
Le 16 octobre
Là, je suis assise sur la grande table blanche d’un lavomatique. La machine numéro 17 ronronne tranquillement. Un mec un peu éméché rentre, fait une ronde, sa bouteille à la main. Je n’ai pas peur, ou un petit peu. La caméra de surveillance décourage le rodeur qui fait remarquer la présence d’un classeur laissé à l’abandon, sur une chaise. Un couple muni de casques de moto vient remplir deux machines et s’en retourne. Quelques minutes plus tard, deux policiers font irruption dans la salle, notent la présence du classeur, m’interroge quant à son propriétaire. Je dis qu’il était déjà là à mon arrivée. Puis l’un demande :
- Vous n’auriez pas vu un homme au crâne rasé avec des lunettes. skinhead
- Non. lunettes noires
La machine est terminée. Je transfère le linge humide dans un séchoir. J’ai menti. Je l’ai vu. Je le vois tout le temps. Au détour d’une rue, dans le métro, au supermarché. Je le vois. Le skin aux lunettes noires, avec ses rangers, vêtu de sombre. Il est collé à ma rétine, comme une décalcomanie qui s’appliquerait partout, à tous mes endroits, mes paysages, mes refuges. Comme une tache sur la caméra qui parasite l’écran à la projection. Il mouche mes pensées, sa voix bourdonne à mes oreilles. Sa voix calme, tiède, apaisante. Cette intonation blasée et rauque qui me disait mon amour. Après dix minutes chrono de séchage, le linge n’est toujours pas sec. Tant pis, je l’étendrai un peu à la maison. Dehors il fait beau, chaud pour une mi-octobre. Il doit venir bientôt : il me l’a dit.
Le 10 septembre
Quelques jours de latence… Trois, peut-être quatre ? Et je pense à Lui, et je ne pense qu’à Lui, lui encore si proche et maintenant si loin. Je pense à lui et aux autres, je pense à eux, à moi, je pense à nous sur la plage, dans les rues, les parkings, nulle part et partout en même temps,… Le temps de retrouver quelque chose ici et il n’en restera bientôt presque rien, de tout ça il restera un brouillard dissipé qu’on appelle le souvenir, comme la gueule de bois, ce relent amer qui lacère l’œsophage plombe l’estomac et occulte la mémoire. Mais rien, rien ici pour me donner le change, pour me faire penser à autre chose. Pas encore… Encore l’été dans la peau, dans la tête, sur les lèvres, dans la bouche : soif ! Soif d’un coucher de soleil, un soleil d’Apollinaire, sanguinolent, cou coupé, et puis de ses lèvres dans les miennes.
C’est l’histoire d’une drôle de rencontre… l’histoire d’une fille, un peu larguée, seule sur la terre, qui rêve juste de visages nouveaux, et d’un peu d’aventure… pourvu qu’elle oublie ce qu’elle fout puisqu’elle sait même pas où elle va.
Début septembre
Juin. Il fait tiède. Le soleil décline. Je serre mon père dans mes bras, je monte dans le train. Dans le train il y a une vieille qui parle avec son chien, qui parle à moi un peu aussi. Je ne sais plus très bien : je lisais. Puis je me suis endormie. Le matin le cagnard tape déjà lorsque je sors du train. Au bout du quai il y a ma Mamy. Et puis après c’est allé très vite. Plus vite que juillet le laissait présager. C’est comme ça qu’en septembre je suis remontée dans le train. J’ai pleuré, puis j’ai dormi. Le matin au réveil, il fait froid, il pleut. Que s’est-il passé, deux mois ont coulé. C’est comme si rien ne s’était passé. J’ai juste quelques cheveux en moins, et quelques sous en plus,… des hématomes aussi. Et puis des ombres dans la tête, des ombres qui paradent et font rougir mes yeux, des visages, des voix, des notes de musique, les bip-bip de la friteuse, le choc des plateaux, un verre qui se brise, « on les vend pas, c’est offert avec les maxi menus ». On n’oublie jamais ce que l’on veut oublier, c’est le reste qu’on oublie. Alors j’ai pris des précautions, j’ai pris des photos, j’ai écrit un peu, j’ai gardé des objets et des tickets de caisse,… j’ai enfermé quelques témoins de ces deux mois d’exil. Comme ça j’oublierai pas. Pas tout de suite. Au Mc Do, on me demande si il va me manquer, je dis : « un peu,… oui » et si je vais le revoir… Je ne sais pas, peut-être.
C’est une histoire du temps qui coule, qui coule à pic quand ya du fond, qui coule des yeux quand on perd pied. Alors ils jouent à se noyer, balancent des bouteilles à la mer et plongent leurs yeux dans le ciel noir, avec aux lèvres un goût de sky.
Je me souviens de la première fois qu’il a accroché mon regard. Je marchais dans la rue quand je l’ai reconnu. J’avais juste reconnu un mec qui travaillait au Mc Do avec moi. En civil il n’avait pas du tout la même allure. Moi qui crevais de chaud, j’ai juste pensé qu’il fallait être taré pour se balader vêtu de noir en plein soleil. Après coup je peux dire qu’il est pas taré. Il est bien pire que ça. Il travaille au Mc Do,…banal, il gagne ça croute quoi. Mais lui ce qu’il voudrait, c’est manger du pain rouge.
C’est une histoire qui s’passe la nuit, au clair de lune au bord d’une plage, une histoire à dormir debout, à rester droits, bien éveillés ; à suivre la bordure du trottoir d’une démarche chaloupée. Histoire à pas dormir du tout et attendre le jour se lever, en se saoulant pour oublier qu’on devrait être à la maison et penser à demain.
Un soir en aout
Il est 19h30, le soleil est encore haut dans le ciel, et je l’ai en pleine face. Putain de soleil qui m’aveugle et me fait grimacer. Et au loin, sur la place vide, sa silhouette se découpe, et je l’ai en pleine face : altière, puissante, longue et souple. Son tee shirt aux manches découpées met à jour ses larges épaules aux muscles saillants, et son crâne rasé à blanc dessine un profil épuré. On part rejoindre les autres, s’installer tranquilles parmi les rochers.
Et là alerte rouge, rouge, j’ai ma bouteille dans ma main, ma main moite qui glisse, glisse la bouteille de rouge, glisse la bouteille tombe le rouge se répand, et plus loin je vois Lui qui flanche, je vois Lui qui tombe et là rouge rouge il dérape, rouge qui coule, qui coule partout rouge, ça pue, il a glissé, rouge qui saigne partout. Beaucoup, pas grave, lui saigne beaucoup pas grave, pas pour de vrai, je l’aime pas pour de vrai, beaucoup, pas grave, saigne plus, tant pis. On s’aignera une autre fois, un jour peut-être… le rose : du rouge qui a déteint avec le temps, amour rose rouge, rouge rose, fanée, pas rouge en vrai, pas vrai, pas grave. On baise quand même ? Beaucoup ? Trop quoi ? Pas grave, on s’en fout, oui, ici, maintenant.
C’est l’histoire d’un amour d’été, l’histoire d’amour apolitique de la ptite fille et du skinhead, ça peut vous paraître atypique ; mais comme la meilleure façon de marcher : c’est toujours la même rien d’sorcier. Et la meilleure façon de baiser… C’est l’un dans l’autre.
Mi septembre
Si on fait bien attention, qu’on distend un peu la peau de ça de là, on distingue une petite cicatrice rose sur mon avant bras droit, à l’approche du coude, en forme de petite croix. Le rose n’est que du rouge qui a pâli avec le temps… Il l’avait dessinée à l’aide d’une aiguille pour diabétique, le matin de mon départ. Il m’a expliqué comment il avait trouvé ce formidable outil parfaitement indolore du temps où il se scarifiait. Obsession du sang, de la souffrance, de la colère. Voir rouge. Lui est strié de petites cicatrices, plus ou moins géométriques ou figuratives. Ce matin là, le temps était distordu. Le temps pour traîner et prendre notre temps que déjà les heures ont défilé. J’étais partie de chez lui en se disant « à toute à l’heure », parce qu’il viendrait me dire au revoir au train. J’aime bien cette cicatrice, il n’y a que moi qui sache qu’elle est là. Et puis ça vient de lui, une trace de lui sur ma peau, dans ma chair, sur mon corps. J’en ai une autre aussi, que je ne vois pas, dans le bas du dos. Elle est moche. C’est la nuit où on avait fait l’amour sur les rochers, à même les rochers. Forts de cette douloureuse expérience, on l’a refait, mais avec un sac de couchage en dessous, pour amortir. C’était bien.
C’est une histoire comme y’en a d’autres, celle du skinhead et d’une ptite fille, une histoire où on boit, boit, boit,… où on s’enivre du temps qui coule et où demain n’existe pas.
Dernier soir, dernière nuit, dernier calage sur les rochers, dernière ronde dans St Raphael, et elle est déjà floue... Elle est floue la petite fille, avec ses yeux qui sont loin, loin, si loin, si près du cœur,... Elle est floue, ses yeux se brouillent, ses yeux se brouillent d'avoir trop bu, où pas assez. Ses yeux se brouillent de ne pas avoir assez bu pour pouvoir enfin oublier, pour oublier qu'enfin elle part,... qu'elle part loin de ceux qu'elle a bu, bu les paroles et bu les yeux, les yeux noyés dans le sky, les yeux qui boivent le ciel, et puis quelques étoiles... Et elle tombe, elle tient plus debout la ptite fille, elle se raccroche comme elle peut, elle raccroche comme elle veut, elle leur raccroche au nez puisqu'elle en peut plus de ces voix, qui lui disent de rentrer chez elle, de retourner à la maison quand ça lui pend au nez. Elle titube dans les rochers, et elle finit par se retenir à une paire de lunettes noires, et elle arrive à retenir un instant son regard, et il lui dit "allez viens boire,... viens boire comme la mer est belle". Alors la petite fille oublie, que loin là-bas elle a une vie et elle s'invente une aventure de skin girl en maxibestof (grande boisson, grande frite), et elle aime ça, et pour ça elle n’oubliera pas le dernier soir, la dernière nuit, dernier calage sur les rochers, dernière ronde dans St Raphael, dernier coucher de soleil, soleil cou coupé, mais elle est déjà floue... Elle est floue la petite fille, avec ses yeux qui sont loin, loin, si loin, si près du cœur. Ses yeux tout rougis, comme les yeux d’un enfant rouges d’avoir trop pleuré... Et elle tombe, elle rampe jusqu'au train, elle sait plus du tout ce qui lui arrive, c'est trop lourd, elle a sommeil, elle monte dans le train et elle décolle,... Elle essaie à travers la vitre, d'attraper les lunettes noires au vol... mais on lui arrache des mains. Alors la petite fille crie. Elle crie dans son ventre qu'elle a faim et qu'elle voudrait dormir un peu. Alors elle mange et puis elle dort. A son réveil il n'y a plus rien, il fait froid, il n'y a personne. La petite fille tombe de sommeil, elle qui tombera pas amoureuse, et qui dans son ventre crie je t'aime.
Le rose n’est que du rouge délavé par le temps. Amour à fleur de peau qui demande qu’à saigner. Amour fleur bleue, amour rose rouge, rouge rose, fanée, pas rouge pour de vrai. Rien de vrai, tant pis. On baise quand même ?
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