Ce soir je veux écrire ces mots que j’n’ai pas dits
Que je r’tourne dans ma tête comme des steacks mal saisis
Et que je vomis seule plantée face au miroir
Ces paroles évidées auxquelles j’n’ai jamais cru
Ces mots bien trop épais qu’on découpe au hachoir
Et qu’on jette en pitance au hasard des rues en fins lambeaux d’espoir
Ces mots que mon stylo se trouve encore la force de faire couler
Sur ces surfaces trop blanches que je veux faire saigner,
Car moi je suis anhydre
Moi qui n’ai plus de salive pour t’cracher au visage
Et qui manque de larmes pour tremper l’oreiller
Ce soir je veux écrire ces mots trop compliqués
Passés dans trop de bouche, pétris par trop de langue
Et qui sont sans saveur posés sur mes lèvres qui n’osent pas les goûter
Que j’épelle à l’envers pour en perdre le sens
Ces mots qui me dégoûtent, ceux qu’on désarticule jusqu’à l’écartèlement
Ces mots aux membres épars aux lettres éclatées
qui ne veulent plus rien dire
Et gardent le silence, recluses dans leur mutisme
en serrant ce bâillon qui me somme de taire ces poèmes étranglés
Que je connais par cœur puisqu’ils étaient pour toi
Que je les murmurais dans le creux d’un mouchoir
c’est moi cette cavité misérable et flétrie
Ballotté par le vent dans une main maladroite
Un mouchoir triste et sale qui veut juste éponger une de tes caresses
Sentir sur son tissu une chair douce et moite
S’en gonfler un instant pour respirer encore
Le temps d’une bouffée d’air reprendre enfin mon souffle
Car j’ai le souffle court... un souffle au cœur !connard!
Oui je veux respirer mais il y a ton odeur qui me colle à la peau
Et je bouffe mes peaux mortes qui tombent doucement
Comme on se ronge les ongles quand ils deviennent trop longs
Pour limer cette angoisse qui croit à l’intérieur et racle mes entrailles
Comme on creuse un caveau, où tu pourras jeter ma carcasse encore tiède
Puisque je crève déjà de trop t’imaginer
Comme toutes ces histoires qui alors qu’elles commencent ont déjà une fin,
Une faim qui tord le ventre, qui écoeure et affame
Point d’oreille au ventre affamé
et je n’veux rien entendre de tous tes silences
Qui pétrissent mes viscères et assèchent mes yeux
Mes yeux trop grands ouverts qui traquent tes regards
et dès qu'ils en tiennent un
se referment alors pour garder ce souvenir au fond de leur rétine
Et j’avance en aveugle avec pour seule béquille tes sourires esquissés
Je vais m’casser la gueule mais c’est ce qui arrive quand on est estropié, quand on est amputé
Il me manque un organe dont tu m’auras privé sans aucune permission
Que j’irai t’arracher à coup de mots blessants
de palabres tranchant comme des lames de rasoirs
Si c’est ça qu’il me reste,
tous ces mots ces non dits qui croupissent dans ma tête
Ces poignards aiguisés que j’affûte avec soin sur mes pierres d’amertume
Que je lancerai de loin craignant le cœur à corps
Mon cœur je le garde, ce moignon de caillasse
Quand il faudra t’achever et t’exploser la tête d’un jet bien maîtrisé
Pour repeindre les murs de ma chambre ternie par toutes ces cartes postales que tu n’as pas écrites
Que j’ai inventées seule pour nous faire voyager, et que pour toi j’existe
Ce soir je veux écrire tous ces mots qui macèrent sur ma langue pétrifiée
Alors….Bonne lecture mon amour
Puisque je suis aphone et toi complètement sourd