Le derme de l’asphalte transpire, couvrant le pavé noir d’un vernis gris perlé
Ce bitume qu’on épuise à trop courir les rues
En se brûlant les jambes élimant le désir d’aller toujours plus loin.
Les lampadaires pissent une lumière blafarde qui s’immisce avec peine dans l’aine d’un trottoir
Et se coule finalement dans une bouche de dégoût, pour serpenter sous terre
Et y trouver peut-être une boule à facette pour inonder de feu la piste du dancefloor
Les automobiles passent, en poignardant la nuit de leurs phares incisifs
Criblant le calme nocturne de râles vrombissants ou de nuisances plus sourdes aux rythmes abrutissants
Il y a un vent qui coure et doucement nous enivre de son souffle insidieux qui nous saoule de son air
D’une atmosphère chargée de vapeurs olfactives, de parfums capiteux, d’alcool et de sueurs
Et sur l’asphalte les silhouettes tanguent et crient en cœur à l’abordage
Et le mousse au demi moitié vide met le filet sur une blonde déjà ivre
Le temps est venu d’accoster… ça hèle ça brame
Hurle à la lune comme une horde de loups,
Prédateurs souffreteux dansant sur leurs pattes folles
Se faufilant dans le sillage du gloussement de quelques poufiasses
Qui se dandinent et cancanent en cadence sur une scansion d’talons aiguilles
On dirait qu’elles font des claquettes clip clope
Dans un nuage de tabac des lèvres épaisses et rouge signalent Un point d’incandescence
Et pas besoin de projecteurs pour ces starlettes déjà fardées
Ce halo de strass et d’paillettes, comme un feu d’artifices
Dans les rues des pantins, marionnettes bariolées, s’agitent frénétiques sur des airs endiablés
Et désarticulés, ils s’empêtrent malgré eux dans leur fil d’automates
Et s’effondre par terre, comme des arbres qu’on abat
Près de ses gueules de bois partis au bois dormant On trouve des lambeaux de poupées de chiffons
Froissées comme des torchons sur des cartons humides
Poupées grises et barbues et leurs peluches osseuses Des carcasses qui beuglent, boivent et pissent,
Mais mangent plus beaucoup que les miettes maladroites des gens trop pressés
Regardent tantôt passer les tristes gueules cassées des blanches porcelaines
Ces poupées trop fragiles passées dans trop de mains
Qui recollent les fragments de leurs chairs dispersées, de leurs corps perdus à force d’abandon
Et quel triste théâtre que celui de la rue Où l’on vient oublier nos absurdes existences
Dans un ami, un verre ou un fond de bouteille En feignant de trop vivre à grands coups de fiesta
Dans cette comédie où l’on tombe le masque Nos masques blancs d’acteurs, de fourbes, d’hypocrites
Qu’on voudrait être ceux de quelques héros tragique
Puisqu’on n’est plus personne dans cette farandole Qu’un pauvre moi bien seul
Qui veut juste oublier et se met à valser au beau milieu d’une place
En barbouillant un mur pensant laisser sa trace
Comme une apocalypse, un soir sans demain Où on se fout des autres et de la bien pensance
Où les yeux deviennent flous, les contours imprécis Où les souvenirs s’envolent comme les bris de verre
Si l’on on panse nos plaies de compresses éthyliques,
Ce n’est pas de l’alcool… c’est du désinfectant !