C’est le soir, les marches sont interminables, mais enfin le pallier
De l’autre côté de la porte, il y a de l’alcool, de la musique, des gens
J’entre et le temps s’arrête, je ferme la porte sur du néant
Il n’y a plus que nous, nos voix qui s’entrechoquent, nos yeux qui se croisent
Des torrents de paroles, des flots de regards,
Et quelques notes qui se perdent dans le tintement des verres
Ce que c’est bon d’être nulle part, d’être personne
On parle, on rit, on ne se connaît pas, on est si bien ensemble
Alors il faut parler, rire de tout avec n’importe qui, raconter n’importe quoi
Parler de tout comme quand on revient de voyage, faire de nos vies une épopée
Etre des naufragés à la bouteille amer
Les cœurs chavirent, les yeux se noient, les corps tanguent
Vapeurs d’alcool, nuage de tabac, effluves de parfums
Les haleines se mêlent, les regards s’emmêlent
Des mains se cherchent et se repoussent, pour mieux se rejoindre
Les corps sombrent
Les pupilles sont indulgentes et les mots sont faciles
Alors on se noue, on se noie, on dérive,
Tout fout l’camp : le parquet, les murs, les bouteilles, les fenêtres
On flotte, le temps se suspend
Et puis c’est marée basse, les gens on foutu l’camp
Reste l’épave du parquet, les carcasses de bouteilles, les murs noircis de mégots maladroits
Des lambeaux de pizza, des noyaux, des cendres
Et un peu de sueur sur l’oreiller